This text was written for the Zinal Congress of the EUY in 2024
LE PRĀṆA FORCE DE VIE
by Pierre Alais, photo credit Marina Zvada
Principe universel de force et d’énergie que l’on retrouve à l’œuvre dans tout l’univers.
« Le souffle est au cœur du yoga, car il est au cœur de la Vie. Et le Yoga c’est la Vie. »
- Krishnamacharya
« Il est tout aussi complexe d’expliquer le prāṇa que de chercher à donner une définition du divin. »
B.K.S Iyengar
Dans la Praśnopaniṣad le sage Pippalāda explique :
« En vérité , Prajāpati, le Seigneur des créatures, était désireux des créatures. Il s’échauffa d’une ardeur d’ascèse, il produisit un couple -matière et souffle- en pensant : « Ces deux produiront des créatures de diverses façons. » »
Le couple / mithuna (matière et souffle qui forme un couple d’opposé (dvanda) est un moyen de création (srstisādhana) :
Rayi « matière » est le soma ou la lune, et la nourriture (notamment celle des dieux).
Prāṇa « le souffle » est le feu et le mangeur de nourriture.
Il dit : « Le feu , le soleil et la lune, qui sont mangeurs (attṛ ) et nourriture (anna) feront pour moi des créatures nombreuses et diverses .
Ainsi le prāṇa sans forme, le souffle est le mangeur de tout ce qui est nourriture avec forme. Le sans forme absorbe la forme .
Dans la physique moderne, la respiration est cellulaire. Ce que nous pouvons apprécier ce sont les inspirations, les expirations (ventilations) et leurs arrêts poumons pleins et vides.
Le nom de la respiration est oxydo-réduction. Une fois l’air absorbé par les poumons, les globules rouges captent les molécules d’oxygène ou dioxygène dans les 500 000 000 d’alvéoles ! Dans toutes les cellules du corps, un électron de dioxygène va capter (oxyder : brûler) un électron de glucose (résultant de l’alimentation) d’où le terme réduction. Cette réaction atomique produit la température corporelle de 37°.
L’ air est bien le mangeur de la nourriture glucose (rayi), rejoignant la vision upanishadique. Tout cela pour le maintien de l’existence du vivant.
Le souffle est donc bien, comme l’étymologie an du mot prāṇa l’indique, l’animateur central du corps et du mental. Il est situé au centre de l’aṣṭāṅgayoga de Patañjali, entre les composantes sociales (yama), personnelles (niyama), corporelles (āsana), et les composantes mentales (pratyāhāra), et ontologiques (dhāraṇā = recentrage, dhyāna = méditation, et samādhi = plénitude).
Le maître yogi T. Krishnamacharya a écrit :
« Le prāṇāyāma est le plus important des 8 membres du Yoga, car le dernier membre le samādhi, le summum de la concentration et le but du Yoga classique, peut être atteint par le prāṇāyāmalui-même. »
D’où son rôle absolu dans la vie bien sûr, et apaisant majeur (sattvique) dans la méditation (dhyāna). Lorsque le mental s’oriente et se pose sur le souffle ne serait-ce qu’un instant, il est influencé par ce retour à l’essentiel en conformité avec l’Être. Le souffle est du domaine de l’atmosphère (bhuvaḥ) ou antarikṣa, domaine intermédiaire entre le ciel (svaḥ) et la terre (bhūr). La tradition védique l’assimile au Dieu du vent Vāyu, entre la terre où règne Agni Dieu du feu, et le ciel royaume de Sūrya le Soleil. Le souffle est bien le lien entre Ciel et Terre, entre le sans forme et la forme, entre le visible et l’invisible, entre le présent et le devenir. Non seulement il est le mouvement des inspirations et des expirations, mais en plus il s’arrête tout aussi naturellement (kumbhaka), faisant taire (nirodha) alors tous les opposés (dvanda) caractéristiques du fonctionnement du mental (citta-vṛtti). Il est le support essentiel de la Méditation selon Patañjali.
La coordination entre le mental, le souffle et le corps dans les mouvements des postures est une caractéristique majeure dans l’enseignement de l’École de Krishnamacharya de Madras, développée entre autre par TKV Desikachar et Sribashyam (ses fils et disciples). Cette union mental-souffle-corps est aussi essentielle dans la psalmodie des Yoga-sūtra telle que TKV Desikachar l’enseignait.
En conclusion le terme “atmen” en allemand signifie respirer. Il est quasi identique au mot Ātman sanskrit signifiant âme. L’expression française : « il ou elle a rendu l’âme », est similaire à : « il ou elle a rendu son dernier souffle. »
Certains sages considèrent que le souffle est ce qui nous ramène à l’Absolu ou Brahman, d’autres affirment que le souffle est Dieu ou Brahman lui-même.
La Bṛhadāraṇyaka Upaniṣad insiste ainsi :
« …- Qui est le Dieu unique ?
- Le Souffle-vital qu’on appelle l’Immensité (Brahman). »
Pour le Congrès International de Yoga de Zinal, Août 2024.
Pierre Alais
Élève de l’ Ashram Shivananda (Rishikesh)
Élève de TKV Desikachar