This text was written for the Zinal Congress of the EUY in 2024
Prāṇa, la force de vie
by Denis Perret
Rétablissement spirituel
Dans la méthode du Yoga, Prāṇa, la force de vie, tient une place essentielle. Jouir d’une bonne vitalité est gage de santé physiologique et psychologique, ce qui constitue la bonne fondation pour que la question du rétablissement spirituel puisse devenir centrale dans notre quotidien.
Le Yoga est holistique et intègre en effet toutes les dimensions de la personne. Pour diminuer nos souffrances (stress, anxiété, angoisse existentielle, …) il nous propose des pratiques et des réflexions pour réorganiser ces dimensions autour de la dimension organisatrice qui est la conscience. La conscience (ou la Présence) désigne aujourd’hui ce que les traditions nommaient le spirituel (l’Esprit).
Par rétablissement spirituel j’entends la découverte de notre personnalité, ses qualités et ses raideurs, ses conditionnements qui limitent notre ouverture à l’autre ou à la nouveauté de la situation présente. Découvrir le pas de côté pour s’observer fonctionner, découvrir la position de l’observateur équanime, paisible et bienveillant. Et s’habituer progressivement à cette dimension de nous-même, perpétuellement paisible et aimante, pour accepter que nous sommes aussi – et peut être essentiellement- cela, cette dimension de « conscience- source harmonisante du vivant- plénitude perpétuelle », « cit- sat- ananda ».
Et que cette même dimension s’étend infiniment au-delà de nous et imprègne et soutient toute forme de vie.
Alors notre ego devient extrêmement souple et ouvert, et extrêmement capable de détermination sans faille si les circonstances le nécessitent.
L’ego accepte pleinement d’être piloté par les intuitions qui viennent de la conscience, et n’est plus anxieusement occupé à perpétuer un personnage accroché à ses « meilleures certitudes ». C’est tout l’enjeu du yoga tel que défini dans le traité de Patañjali (Yoga Sutra chapitre 1 aphorisme 3).
Donc expérimenter Prana quotidiennement nous donne de la vigueur pour la recherche spirituelle d’une part. D’autre part, cela permet de créer les conditions pour que Prana vienne davantage en nous et nous offre ainsi l’opportunité de mieux goûter cette essence de vie, et progressivement de réaliser que ce souffle subtil est animé de l’intelligence de vie qui crée et soutient toute chose. Dans la tradition indienne cette intelligence de vie organisatrice est dénommée Brahman, la conscience-force de vie omniprésente. Je crois comprendre qu’il y a une correspondance dans la tradition chrétienne avec la dimension du Saint-Esprit. Dans la Bible on lit aussi : Job 33:4 « L’esprit de Dieu m’a créé, Et le souffle du Tout Puissant m’anime ».
Au-delà des traditions religieuses, cette dimension de conscience intimement liée à l’énergie et à la matière est une donnée admise par les physiciens de l’infiniment petit et par nombre d’astrophysiciens (l’infiniment grand).
Prāṇa est tellement subtil qu’il est difficile de l’appréhender avec nos sens. C’est au travers de ce qu’il soutient et met en vie que nous pouvons apprécier sa présence.
Souffle, Vāyu et Prāṇa
La circulation de Prāṇa en nous est d’abord possible par la respiration. Inspiration et expiration sont une porte d’entrée magistrale pour la vitalité, le fonctionnement psychique (clair ou embrouillé), et aussi le lâcher-prise de l’ego anxieux au profit de l’ « ego instrument de la conscience ». Du point de vue occidental on cherche à bien respirer pour avoir une bonne énergie et réduire le stress ; les techniques nouvelles comme la cohérence cardiaque propagent cette connaissance. Le yoga, bien compris dans sa richesse ancestrale, est établi dans une perspective plus large: le plus subtil gouverne le plus matérialisé ; la plus haute fréquence gouverne les fréquences plus basses. Par ordre de fréquences décroissantes : la conscience, les pensées, les émotions, les mouvements énergétiques, les fonctions physiologiques (respiration, circulation, digestion, …), et finalement la matière tangible (les tissus du corps, la chair, les os).
Pour le yoga ce sont les mouvements énergétiques qui assurent la respiration : le prāṇa vāyu assure l’inspiration, l’apāna vāyu assure l’expiration.
Les vāyu(les vents) sont des spécialisations de la force vitale universelle Prāṇa qui participent au maintien en vie de tout être vivant.
Si l’humain est conscient de ses dimensions holistiques et qu’il a pu réaccepter qu’il est bon d’être piloté par sa conscience, alors la vie respire librement et de manière toujours adaptée à l’activité du moment, tel un animal en pleine santé.
Tant que l’ego n’est pas réajusté à ce qu’il devrait être (être au service de la conscience), les pensées contrarient les libres entrées et sorties de l’énergie ; et donc la respiration est chaotique. Pourquoi ce chaos dans la respiration (et donc dans prāṇa vāyu et apāna vāyu) ? Parce que les pensées chaotiques empêchent le flux de conscience de prendre soin des vayu-énergies (et donc du souffle), l’énergie est chaotique, ou au mieux colorée de manière à façonner le corps et la vie de qui je crois être (ego anxieux). Il est énoncé dans le yoga que la conscience est véhiculée par le mental (pensées, sensations, actions). Si le mental n’est plus relié aux sensations corporelles, la conscience est peu dans le corps, et comme conscience et énergie sont les deux aspects d’une même réalité ultime, l’énergie s’y désorganise.
L’essence de la pratique du prāṇāyāma (la pratique phare du yoga) c’est de permettre à la conscience d’être avec le lieu du vivant, le corps, avec le souffle et l’énergie.
Les moyens pratiques
Donc le premier pas pour sortir du chaos c’est de se poser, penser « relâchement », et observer et accepter ce que le souffle est en train de vivre, donner du temps, laisser faire et observer. Immanquablement le miracle du pouvoir harmonisant de la conscience (sat) se met à opérer.
En m’appuyant sur les fondamentaux du yoga tels qu’āsana et prāṇāyāma accessibles à tous, je proposerai lors des ateliers du mois d’Août 2024 à Zinal d’expérimenter cette sagesse de vie du Yoga œuvrant au rétablissement spirituel.